Plutôt Roe ou plutôt Wade ?

L’avortement aux États-Unis est un enjeu politique majeur qui divise la société depuis des décennies. De la prohibition totale à la reconnaissance d’un droit constitutionnel, puis à son retrait, la question de l’avortement a façonné le paysage politique américain. Le droit à l’avortement est indissociable de la lutte pour les droits des femmes aux États-Unis.

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NDLR : Parce que les législations des États américains changent et car des décisions de justice sont prises régulièrement, les informations de cet article peuvent ne pas être à jour. Nous avons placé tous les liens nécessaires pour vérifier les informations, notamment les règlementations, État par État.

Le site de référence pour des informations objectives est Plannned Parenthood. Ce site couvre de nombreux domaines, et pas seulement l’avortement. Planned Parenthood est une association caritative 501(c)(3) qui gèrent des centres de santé à but non lucratif à travers les États-Unis. Il s’efforce d’éduquer le public et de défendre les questions de santé sexuelle et reproductive.

Les États qui ont adopté les lois les plus restrictives

Quelques États qui ont adopté des lois particulièrement restrictives, souvent interdisant l’avortement dès les premières semaines de grossesse, voire dès la conception :

Texas

L’un des premiers États à mettre en place une loi très restrictive, avec une interdiction de l’avortement dès que des battements de cœur sont détectés dans l’embryon (souvent dès six semaines de grossesse).

Oklahoma

Cet État a également adopté une loi similaire au Texas, interdisant l’avortement dès la détection de battements de cœur.

Idaho

L’Idaho a une loi qui interdit presque tous les avortements, avec des exceptions très limitées en cas de risque imminent pour la vie de la mère.

Alabama

Cet État a adopté l’une des lois les plus restrictives du pays, interdisant presque tous les avortements, y compris en cas de viol ou d’inceste.

Floride

La loi sur l’avortement en Floride a connu des modifications récentes (mai 2024) qui ont restreint considérablement l’accès à l’IVG dans l’État. La Floride interdit dorénavant toute interruption volontaire de grossesse après six semaines, contre quinze semaines auparavant. Avant cette loi, la Floride faisait figure de refuge pour les femmes du sud-est des États-Unis, une région où les interdictions ou restrictions se sont multipliées.

Géorgie (Georgia)

Le lundi 30 septembre 2024, un juge a rétabli le droit à l’avortement au-delà de six semaines, au motif qu’elle violait les droits fondamentaux des femmes. « Beaucoup de femmes ignorent complètement être enceintes ou au mieux n’en sont pas sûres », le juge Robert McBurney a restauré l’autorisation de l’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus, soit autour de vingt à vingt-deux semaines. Le procureur de l’État a annoncé son intention de faire appel.

Les États les moins restrictifs

La Californie

L’État a adopté plusieurs lois visant à protéger le droit à l’avortement et à le rendre plus accessible.

Le Vermont

L’État a codifié le droit à l’avortement dans sa constitution et a adopté des lois pour protéger les prestataires de soins.

L’état de New York

L’État a adopté une loi qui protège le droit à l’avortement et qui garantit l’accès aux soins post-avortement.

En 2024, l’Alaska, la Californie, la Géorgie, l’Illinois, le Kansas, le Michigan, le Minnesota, le Dakota du Nord, l’Ohio et le Vermont ont le droit à l’avortement dans leurs constitutions, soit explicitement, soit selon l’interprétation de la Cour suprême de l’État. D’autres États, comme le Colorado et le Massachusetts, protègent l’avortement en vertu de la loi de l’État.

Le droit à l’avortement, État par État aux États-Unis

Si vous voulez savoir quels sont vos droits à l’IVG, État par État aux États-Unis, vous pouvez utiliser le site AbortionFinder. Le site est mis à jour très rapidement, et il est géré par une équipe de défenseurs des droits, d’avocats, d’experts en santé publique, de chercheurs, et d’ingénieurs. Pour en savoir plus, c’est ici.

Depuis juin 2022, quand la Cour suprême des États-Unis a renversé l’arrêt Roe v. Wade, la question de l’avortement a été renvoyée aux États. Vous pouvez lire l’histoire avant et après l’arrêt Roe v. Wade, dans la seconde partie de cet article, un peu plus bas.

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Les pièges de la recherche sur Internet pour trouver un centre qui pratique l’avortement

Il existe des centres religieux qui ne disent pas leur nom. Ils attirent en proposant des services gratuits. Gratuits est souvent ce que recherchent souvent les femmes qui pensent interrompre leurs grossesses, pour des raisons qui leur appartiennent. Elles sont jeunes, trop jeunes, peu informées, de milieux modestes. La gratuité est très attirante.

Ces centres sont très bien référencés sur les moteurs de recherche et ont des moyens importants pour arriver à avoir de bons avis sur Google notamment, manifestement des faux. Mais si on lit en détails ces avis on trouve des choses étranges. « Basé sur la foi, où ils induisent régulièrement en erreur les femmes dans le besoin avec des informations inexactes. ». On découvre en fait en poussant les recherches, que certains de ces centres sont réputés pour être peu qualifiés pour effectuer une échographie, datent comme ça les arrange les grossesses et vous impriment une image de l’échographie titré « baby » dessus avec une flèche vers l’embryon. Rappel : Le stade fœtal commence environ 10 semaines après les dernières règles et dure jusqu’à la naissance.

La réalité des centres officiels qui pratiquent l’avortement (dans le respect du droit)

De nombreux centres sont assiégés par des « pro-life ». Les femmes qui se rendent dans ces centres, également pour simplement trouver des informations médicales, doivent passer entre les manifestants, qui peuvent : leur lire des versets de la bible, les insulter, ou pire. Idem pour les employés de ces centres qui peuvent être harcelés.

L’histoire de l’avortement aux États-Unis

L’avortement avant Roe v. Wade : Un contexte historique complexe

Avant 1973, les lois régissant l’avortement variaient considérablement d’un État à l’autre. Certains États autorisaient l’avortement dans des cas spécifiques (danger pour la vie de la mère, viol, inceste), tandis que d’autres l’interdisaient purement et simplement. Cette disparité reflétait les différentes attitudes sociales et religieuses vis-à-vis de l’interruption volontaire de grossesse.

L’Église catholique, notamment, exerçait une influence considérable sur la législation, considérant l’avortement comme un péché grave.

Certains médecins s’inquiétaient des risques pour la santé des femmes liés à des avortements pratiqués dans des conditions non médicalisées.

Face à l’interdiction, de nombreuses femmes se tournaient vers des avortements clandestins, souvent pratiqués dans des conditions sanitaires précaires, ce qui entraînait de graves complications, voire des décès.

Les femmes les plus défavorisées étaient les plus touchées par ces lois restrictives, n’ayant pas les moyens de se rendre dans un État où l’avortement était légal ou de payer pour une intervention clandestine pratiquée dans de bonnes conditions.

Les lois restrictives ont contribué à renforcer le mouvement féministe, qui a milité pour le droit des femmes à disposer de leur corps.

Les prémices du changement

Des organisations comme Planned Parenthood ont joué un rôle crucial en offrant des conseils et des services aux femmes souhaitant avorter, tout en plaidant pour une réforme législative.

Les changements sociaux des années 1960, notamment la révolution sexuelle, ont contribué à modifier les attitudes vis-à-vis de la sexualité et de la contraception, ouvrant la voie à une remise en question des lois restrictives sur l’avortement.

L’arrêt Roe v. Wade en 1973

Il s’agit d’une affaire qui a profondément marqué le débat sur l’avortement aux États-Unis et continue d’en être le centre.

Les personnes nommées Roe et Wade dans l’arrêt Roe v. Wade sont en réalité des pseudonymes utilisés pour protéger leur identité.

  • Jane Roe : Ce pseudonyme désignait Norma McCorvey, une femme célibataire du Texas qui avait intenté la poursuite contre le procureur général du Texas en 1970. Elle était enceinte et souhaitait avorter, mais les lois du Texas interdisaient l’avortement sauf en cas de danger pour la vie de la mère.
  • Henry Wade: Ce pseudonyme désignait Henry Wade, le procureur général du Texas à l’époque de l’affaire. Il était l’opposant principal de Roe dans le procès.

Norma McCorvey a changé de position sur l’avortement au cours de sa vie, passant du soutien au droit à l’avortement à l’opposition à celui-ci.

Norma McCorvey, à gauche connue sous le pseudonyme de Jane Roe en 1973 dans le cas Roe v. Wade, avec son avocate Gloria Allred, devant la cour suprême en avril 1989, quand la cour entendait des arguments qui auraient pu renverser la décision Roe v. Wade

Norma McCorvey, à gauche connue sous le pseudonyme de Jane Roe en 1973 dans le cas Roe v. Wade, avec son avocate Gloria Allred, devant la cour suprême en avril 1989, quand la cour entendait des arguments qui auraient pu renverser la décision Roe v. Wade. Crédit photo : Lorie Shaull (CC BY-SA 2.0)

Qu’est-ce qui a été décidé avec l’arrêt Roe v. Wade?

En substance, la Cour suprême a jugé que la Constitution des États-Unis protégeait le droit d’une femme à avorter, au moins pendant les premiers trimestres de sa grossesse. Cette décision a eu pour effet de légaliser l’avortement à l’échelle nationale, annulant de nombreuses lois étatiques qui le restreignaient ou l’interdisaient.

La Cour a fondé sa décision sur le droit à la vie privée, garanti par le Quatorzième amendement de la Constitution. Elle a considéré que la décision d’avorter était une décision personnelle qui relevait de la sphère privée de chaque femme.

Cet arrêt a profondément divisé la société américaine entre les partisans du droit à l’avortement (“pro-choix”) et ceux qui s’y opposent (“pro-vie”).

Roe v. Wade est devenu un enjeu majeur des débats politiques aux États-Unis, influençant les élections et la nomination des juges à la Cour suprême.

De nombreuses tentatives ont été faites pour faire annuler l’arrêt Roe v. Wade, mais elles ont toutes échoué jusqu’en 2022.

En juin 2022, la Cour suprême renverse l’arrêt Roe v. Wade

Cette décision a remis en cause le droit à l’avortement à l’échelle nationale et a laissé aux États la liberté de légiférer en la matière.

Chaque État est désormais libre de légiférer sur l’avortement. Certains États ont rapidement adopté des lois très restrictives, voire interdisant complètement l’avortement, tandis que d’autres ont maintenu ou renforcé la protection de ce droit.

Le débat sur l’avortement a été relancé avec une intensité inédite, entraînant une mobilisation sans précédent des militants des deux camps.

La décision de la Cour suprême des États-Unis de renverser l’arrêt Roe v. Wade en 2022 a suscité de nombreuses réactions et interrogations. Pour comprendre les fondements juridiques de cette décision, il est essentiel d’examiner les arguments principaux avancés par les juges majoritaires.

Manifestations devant la Cour suprême des États-Unis le jour où l'arrêt Roe vs Wade a été annulé, le 24 juin 2022.

Manifestations devant la Cour suprême des États-Unis le jour où l’arrêt Roe vs Wade a été annulé, le 24 juin 2022. Crédit photo : Ted Eytan (CC BY-SA 2.0)

Quels étaient les arguments de la Cour suprême des États-Unis pour renverser l’arrêt Roe v. Wade ?

Absence de droit explicite à l’avortement dans la Constitution

Les juges majoritaires ont souligné que le droit à l’avortement n’est pas explicitement mentionné dans la Constitution américaine. Ils ont ainsi remis en question la légitimité de l’arrêt Roe v. Wade, qui avait établi ce droit en s’appuyant sur le droit à la vie privée implicite dans le Quatorzième amendement.

Question à trancher par les États

En renversant Roe v. Wade, la Cour suprême a estimé que la question de l’avortement devait être renvoyée aux États, qui sont plus à même de représenter les intérêts de leurs citoyens respectifs. Selon cette logique, chaque État devrait être libre de légiférer en matière d’avortement en fonction de ses valeurs et de ses priorités.

Débat démocratique

Les juges majoritaires ont également souligné l’importance de laisser le débat sur l’avortement se dérouler au niveau politique, par le biais du processus démocratique. Ils ont ainsi estimé que les législatures étatiques étaient les mieux placées pour prendre des décisions sur une question aussi controversée.

Protection de la vie fœtale

Certains juges ont également invoqué la nécessité de protéger la vie fœtale, en particulier à partir d’un certain stade de développement. Ils ont ainsi suggéré que les États pouvaient légitimement adopter des lois restreignant l’accès à l’avortement, notamment en le limitant aux premiers trimestres de la grossesse.

Il est important de noter que ces arguments ont été vivement contestés par les juges dissidents, qui ont souligné les conséquences potentiellement graves de cette décision pour les droits des femmes et l’égalité. Ils ont notamment rappelé que l’accès à l’avortement est essentiel pour garantir l’autonomie des femmes et leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur santé reproductive.

En France, pour rappel, concernant l’interruption volontaire de grossesse et la contraception

Depuis le 8 mars 2024, le titre VIII de la Constitution est complété par un article 66‑2 ainsi rédigé :

« Art. 66‑2. – Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. »

En France, le délai légal pour avorter dépend de la méthode choisie :

  • L’IVG médicamenteuse est possible jusqu’à 7 semaines de grossesse soit 9 semaines après le début des dernières règles, que l’IVG médicamenteuse soit pratiquée en établissement de santé ou en ville (hors hôpital).
  • L’IVG instrumentale (par dilatation du col et aspiration du contenu de l’utérus) peut être réalisée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse, soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles.

Pour vérifier l’âge de la grossesse, une datation est effectuée avant l’IVG, le plus souvent par l’interrogatoire et l’examen clinique ou, si besoin, au moyen d’une échographie.

Source : Ameli.fr

Crédit photo : Tony Webster (CC BY 2.0)