Un article rédigé par Pascale Longuet, membre des barreaux de Paris et de New York, et la fondatrice de son cabinet (Law Office of Pascale Longuet) en 1996. Cet article couvre certains aspects juridiques de propriété intellectuelle (PI) que les entreprises ou les investisseurs non américains doivent garder à l’esprit lorsqu’ils font des affaires aux États-Unis : (1) les Droits d’auteur, (2) la protection des marques et (3) les brevets.
La propriété intellectuelle (PI) est un aspect crucial du commerce international
Le logo d’une marque, le slogan d’une entreprise, la conception d’une chaîne de restaurants, l’emballage d’un parfum, la technologie et les secrets commerciaux associés à la recherche et au développement – illustrent comment le droit de la propriété intellectuelle est nécessaire pour protéger l’unicité d’une marque, d’images, de produits ou de services. Outre la protection des entreprises, le droit de la PI est essentiel pour protéger les consommateurs du risque de confusion entre deux marques similaires. Ce droit protège notamment la propriété, la rentabilité, la reproduction, la distribution et les droits d’utilisation du sujet en question. Fondamentalement, il protège le droit exclusif de créer, développer, et d’utiliser une œuvre, et en prévient l’utilisation par des tiers.
Les droits de propriété intellectuelle font généralement référence au droit d’auteur, aux marques et aux brevets. Cependant, la propriété intellectuelle englobe notamment la protection des informations confidentielles, les secrets commerciaux, les droits de publicité, les accords de non-concurrence, la concurrence déloyale, les licences.
Dès l’élaboration d’un projet, il est impératif de protéger ses informations confidentielles et exclusives et d’éviter toute concurrence potentielle, par la mise en place d’accords de confidentialité (non disclosure agreements). De très nombreux autres contrats par exemple des contrats de vente, d’acquisition, ou les contrats de rupture des relations de travail (severance agreements), contiennent des dispositions sur la non-divulgation et la confidentialité. L’assistance d’un avocat dans la rédaction d’un contrat adapté aux particularités du dossier est ici fortement recommandée.L’entrée sur le marché américain soulève certaines interrogations en matière de la PI: (1) le respect des droits qui pourraient déjà être protégés dans d’autres pays, (2) la prise des mesures nécessaires pour garantir la protection de droits de la PI, (3) la compréhension du forum compétent en cas de litige international aux Etats-Unis, et (4) la définition applicable de la contrefaçon. À ce jour, le droit international de la propriété intellectuelle repose sur des traités signés entre pays. Mais, en pratique, ce sont les lois et réglementations des pays dans lesquels la protection de la propriété intellectuelle est recherchée et les procédures d’enregistrement de ces pays qui fournissent des réponses aux aspects juridiques du droit international de la propriété intellectuelle. Ce sont les spécificités américaines de la protection des droits de propriété intellectuelle qui doivent être prises en compte.
1. Les Droits d’auteur aux États-Unis
Le droit d’auteur aux États-Unis peut protéger les écrits originaux, les films, les photographies, les vidéos, les paroles, la composition musicale, les œuvres d’art, etc., et est associé à la protection des publicités, des images de conception ou du contenu de sites Web. Le créateur d’une œuvre détient le droit d’auteur, ou une entreprise peut en être propriétaire, si elle a engagé une autre partie pour créer un travail pour son compte, (work for hire).
Le droit d’auteur américain existe automatiquement pour une œuvre originale dès sa création et dure sauf exceptions, jusqu’à 70 ans après la mort du créateur. Bien que l’enregistrement du droit d’auteur aux États-Unis ne soit pas obligatoire, l’enregistrement d’une œuvre auprès du US Copyright Office permet, s’il y a litige, de faire respecter l’exclusivité du droit d’un auteur, et de percevoir des honoraires de conseil et/ou des dommages-intérêts.2 En pratique, cela signifie qu’une poursuite aux Etats-Unis en violation d’un droit d’auteur, bien que protégé dans un autre pays, suppose un enregistrement préalable de ce droit aux Etats-Unis.
Dans un projet aux Etats-Unis, et en sus de la mise en place d’accords de confidentialité, la protection par copyright de brochures, images ou présentations assure la protection des informations qui y figurent et leur utilisation par des tiers.
Un droit d’auteur américain peut être appliqué à l’étranger si « le pays cible est signataire des divers traités internationaux de protection de [la IP] ». Les principaux traités sont la Convention de Berne et l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle Qui Touchent au Commerce (ADPIC).3 Ces conventions établissent des exigences minimales, des normes et des facteurs pour les droits de propriété intellectuelle, avec des spécificités variant d’un pays à l’autre.
Il faut toujours vérifier la législation du pays cible pour savoir si l’œuvre est protégée dès sa création ou s’il faut enregistrer son œuvre dans ce pays pour sa protection.
Aux États-Unis, les marques et les brevets sont principalement enregistrés et réglementés par l’Office américain des brevets et des marques (United States Patent and Trademark Office, USPTO). Les demandes d’enregistrement doivent être effectuées rapidement lors du démarrage d’une activité aux Etats-Unis.
2. La Protection des Marques est essentielle
Les protections accordées aux marques sont sans doute prépondérantes dans le commerce international. Les éléments qu’une marque protège incluent les slogans, le nom, les noms de domaine et les logos de produits et de services. Protéger sa marque est essentiel pour construire et protéger l’identité et l’image d’un produit ou service. Le nom ou le logo d’une entreprise, qu’il s’agisse de produits comme des baskets ou de haute couture, nécessite d’être protégé dans différents pays pour empêcher la fabrication et la vente de contrefaçons avec notamment pour conséquence la destruction ou dilution de la valeur de la marque.
Il y a aussi le risque propre au commerce en ligne du cybersquattage, qui consiste à l’achat de noms de domaine contenant le nom d’un autre afin de le revendre ensuite.4 Pour éviter ce risque, il conviendrait pour le vendeur de protéger le nom en l’enregistrant comme marque et d’acheter tous les noms de domaine de son site Web ; .com, .net, .org, etc.
Les indicateurs géographiques dans un nom, qui indiquent indiquer la qualité d’un produit en fonction de son origine, sont protégés par des dépôts de marque de façon restrictive aux Etats-Unis, contrairement à de nombreux pays.5 Par exemple, aux États- Unis, le mot « champagne » ne peut être utilisé que dans les marques de commerce de raisins et de vins produits dans la région française de Champagne.
Si une marque est destinée à être utilisée dans des pays qui ont des langues différentes, il peut être utile d’inclure des traductions de la marque dans ces langues lors d’une demande d’enregistrement.
Le Protocole de Madrid, élaboré par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et accepté par les États-Unis et quatre-vingt-dix pays, « permet au propriétaire de la marque de demander la protection de la marque dans plusieurs pays en déposant une demande [dans une langue] directement auprès du bureau national ou régional des marques choisi par le titulaire de la marque.”6 Si avec la mondialisation il y ait des tendances vers l’harmonisation du droit des marques, chaque pays conserve son propre système d’enregistrement et de protections des marques. Il est donc important de garder à l’esprit que, malgré l’existence de traités internationaux, l’ensemble du droit des marques (en particulier le droit d’ester en justice pour faire respecter une marque) fonctionne dans un cadre national.7 Si une marque est enregistrée dans un pays non américain, il est nécessaire d’enregistrer cette marque auprès de l’USPTO pour bénéficier d’une protection complète aux Etats-Unis.
L’absence d’enregistrement de la marque peut être préjudiciable en termes de recherche du tribunal compétent ou de capacité à ester en justice pour faire respecter la protection de la marque en cas de contrefaçon.8 Par exemple, si une société étrangère souhaite intenter une action en justice aux États-Unis pour contrefaçon, mais n’a qu’un enregistrement de marque dans le pays étranger. La même chose peut probablement être dite pour une partie américaine qui cherche à poursuivre un contrefacteur étranger sans avoir enregistré de marque dans ce pays étranger. Alors que le Protocole de Madrid rend les processus de dépôt de marque plus faciles et moins chers en permettant aux déposants de soumettre une demande pour plusieurs pays, il n’accorde pas automatiquement la protection de la marque (comme le droit de faire respecter une marque par le biais d’un litige) dans d’autres pays. Même si l’on demande une marque dans plusieurs pays par le biais du Protocole de Madrid de l’OMPI et que l’on paie la taxe de dépôt dans chacun de ces pays, il n’est pas certain que l’enregistrement de la marque soit accordé. “Bien qu’un enregistrement international puisse être délivré, chaque pays ou partie contractante désigné pour la protection reste en droit de déterminer si la protection d’une marque peut ou non être accordée. Une fois que le bureau des marques d’un pays désigné a accordé la protection, la marque est protégée dans ce pays comme si ce bureau l’avait enregistrée. »6
L’enregistrement de marque aux États-Unis est accordé sur la base de la première utilisation (first use) , ce qui signifie que la première entité qui vend ou utilise un bien/service sous une marque recevra la protection même en l’absence de demande d’enregistrement. Par exemple, une Entité A utilise une certaine marque dans le commerce interétatique, mais n’a pas encore déposé de demande d’enregistrement de marque auprès de l’USPTO. Un an plus tard, une Entité B tente de déposer une demande d’enregistrement de la même marque. L’USPTO n’accordera pas l’enregistrement à l’entité B l’enregistrement car, même si l’entité A n’a pas déposé de demande d’enregistrement, l’entité A utilise déjà la marque. Aux Etats-Unis, le droit des marques vise la protection des consommateurs contre la confusion entre deux utilisateurs de la même marque. Si une marque est déjà utilisée, quel que soit son statut d’enregistrement, le consommateur peut l’avoir déjà vue, mais associée à l’entité qui l’a utilisée en premier. Ensuite, lorsqu’il essaye d’acheter quelque chose portant cette marque, il peut acheter par erreur un produit avec la marque qui est arrivée en deuxième position mais en premier lieu lors de l’enregistrement. Néanmoins, le dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque le plus tôt possible, est souhaitable.La demande de dépôt de marque aux Etats-Unis est le plus souvent basée sur l’utilisation réelle (actual use), ce qui signifie que la marque concerne des biens/services qui sont déjà vendus ou utilisés dans le commerce interétatique. La déclaration d’utilisation (Statement of Use), effectuée par un déposant comprend une liste des services/biens que la marque couvrira ainsi que des spécimens de la marque apposée sur les services/biens.
Une autre base de demande d’enregistrement est l’Intention d’usage dans le futur, (Intent To Use) lorsque des biens ou des services ne sont pas prêts à être utilisés. La demande d’enregistrement fondée sur l’intention d’usage garantit que même si un autre utilise la marque en premier, celui qui a déposé en premier une demande en intention d’usage aura priorité.
Si une autre entité a déjà déposé une demande fondée sur l’intention d’usage avant que vous ne déposiez quoi que ce soit, mais que votre produit est utilisé en premier, la priorité ira toujours à la personne qui a fait sa demande en premier.
D’autres pays, comme la France et de nombreux pays de l’Union européenne, fonctionnent selon le principe du premier déposant pour l’octroi de l’enregistrement.8 Évidemment, cela signifie que la première partie à demander l’enregistrement officiel d’une marque sera racomnnue comme titulaire de la marque, quelle que soit la première entité à utiliser la marque dans le commerce. Il peut arriver qu’une marque qui est utilisée en premier aux États-Unis ne soit pas éligible à la protection des marques dans un autre pays si cet autre pays fonctionne sur la base du premier déposant et que la marque y soit déjà déposée.
L’enregistrement d’une marque aux États-Unis est un processus long, parfois compliqué et coûteux. Ainsi, il peut durer plus d’un an ; les frais d’enregistrement dus à l’USPTO sont basés sur le nombre de classes internationales auxquelles appartient le produit ou service concerné et ne sont pas remboursables. Ces frais peuvent être élevés pour certains. Cependant, la protection par un dépôt de marque évite des risques importants de pertes de profits et de réputation. En pratique la demande d’enregistrement aux États-Unis et ses suites se font en ligne.
3. Les Brevets
Les brevets généralement sont de trois catégories : les brevets d’utilité, de conception et de plante. Les exigences de base en matière de brevets incluent que l’invention doit être non évidente, nouvelle (même une amélioration d’une invention existante est nouvelle pour cette invention) et utile.
Contrairement à la loi américaine sur le droit d’auteur et les marques, les brevets américains sont accordés sur la base du premier déposant et ne seront pas protégés à l’étranger. Si l’invention n’est pas prête, mais en est au stade de développement, on peut d’abord déposer un brevet provisoire. Aux États-Unis, les brevets provisoires fonctionnent parallèlement à la demande d’« intention d’utilisation » de la marque. Les brevets provisoires maintiennent la priorité du propriétaire en ligne lorsqu’il s’agit de déterminer qui était le « premier à déposer ». Pour calculer la date d’effet et les délais, il faut calculer en fonction de la date à laquelle la demande a été déposée, non à laquelle celle-ci a été accordée. Par exemple, les brevets d’utilité durent 20 ans. Si vous avez déposé le brevet en 2000 et que le brevet a été délivré en 2003, la date d’expiration du brevet est toujours 2020 ; pas 2023. Le processus d’examen des demandes de brevet dure généralement 3 ans, c’est pourquoi l’USPTO a modifié l’ expiration de la protection par brevet d’une durée de 17 ans à 20 ans pour tenir compte du processus d’examen.
Une demande de protection par brevet doit se faire dans le pays cible, conformément aux lois et procédures en vigueur. Une remarque est que les mandataires en brevets sont des avocats spécialisés titulaires en sus de diplômes scientifiques. La protection par brevet peut constituer un immense avantage par rapport à des concurrents et accorde à son titulaire le droit exclusif d’utiliser, de vendre et de concéder sous licence une invention ou un procédé.
Références
1 17 U.S.C. § 101 – 1511
2 https://www.copyright.gov/what-is-copyright/
3 https://www.rocketlawyer.com/business-and-contracts/intellectual-property/legal-guide/international-intellectual-property-law-101
4 https://www.gerbenlaw.com/blog/international-trademark-laws-what-do-i-need-to-know/
5 https://www.uspto.gov/ip-policy/trademark-policy/geographical-indications
6 https://www.uspto.gov/trademarks/laws/madrid-protocol
7 https://patentlawip.com/practice-areas/trademarks/madrid-protocol-trademarks/
8 https://www.gerbenlaw.com/blog/international-trademark-laws-what-do-i-need-to-know/
Auteurs: Pascale Longuet, Esq., and Pooja K. Patel, Law Office of Pascale Longuet